Particules
Suivant l'approche phénoménologique, la plus vulgarisée de la physique fondamentale, les objets sur lesquels tout repose sont les particules élémentaires. Voici quelques rappels de physique des particules, tableau qui sera ensuite reformulé à un niveau théorique plus profond en terme de champs, pré-requis souhaitable pour aborder dans les meilleures conditions le coté obscur de la gravité.
Particules et interactions
La première idée sous-jacente au concept de particule
élémentaire est qu'en subdivisant une
parcelle de matière quelconque en fractions de plus en plus infimes on aboutit
inéluctablement à des composants ultimes élémentaires, c'est à dire
indivisibles, sans sous structure. La deuxième idée est que ces composants
élémentaires existent en un petit nombre de types différents qui se
distinguent par leurs propriétés très simples et souvent sans aucun rapport
avec celles de la matière macroscopique (à notre échelle). Ces particules
peuvent se combiner suivant plusieurs niveaux d'organisation,
successivement les quarks en nucléons (protons et neutrons), les nucléons en
noyaux, les noyaux et les électrons en atomes, et pour finir les atomes en
molécules. Ce qui est surprenant c'est que l'essentiel des propriétés extrêmement
diverses de la matière organisée animée ou inanimée résulte finalement d'un grand
jeu de combinaisons sur plusieurs degrés entre...trois particules de matière
seulement: le proton, le neutron et l'électron. C'est ainsi que la physique
atomique rend compte de propriétés macroscopiques telles que la couleur, la
friabilité, la malléabilité, la dureté de la matière à l'état solide, sa
capacité à conduire le courant électrique, la chaleur, à réfléchir ou
transmettre la lumière, ses régularités géométriques, son passage de
l'état solide à l'état liquide puis gazeux, à quels types de réactions
chimiques les différents composés peuvent participer, etc...
Bien évidemment, pour que les particules ne s'ignorent pas
royalement du commencement à la fin des temps, pour que les
associations se produisent et que la matière puisse se
structurer, il faut à ces particules un langage commun,
qu'elles puissent interagir. Quatre types d'interaction ou force ont
été à ce
jour identifiées par les physiciens. Elles se distinguent par
leur portée,
leur intensité et le type de particule qui y est sensible: ce
sont les forces
gravitationnelle, électromagnétique, faible et forte. Précisons que
les interactions elles mêmes s'effectuent par échange d'un nouveau type de
particules: les particules d'interaction (comme le photon, particule de
lumière) ayant des propriétés singulièrement différentes de celles des
particules de matière.
Au début du vingtième siècle on a découvert
que le ciel nous
bombarde en permanence de particules dont certaines étaient
jusque là
inconnues, élémentaires ou
composites et que l'on a commencé à classer en fonction
de leurs propriétés.
Les nouvelles venues sont extrêmement instables,
éphémères, ayant des durées de vies de
fractions de secondes, elles se désintègrent à
peine créées ce qui explique qu'elles n'aient pas le
temps de
participer à la constitution de la matière
organisée avec nos trois
particules familières (électron, proton, neutron) et
qu'on ne les ait pas découvertes plus tôt. C'est
ainsi qu'est née la physique des particules qui au terme d'un
long et pénible
labeur a fini par conclure qu'il existe en tout et pour tout 12
particules élémentaires de matière et quatre particules véhicule
d'interaction complétées de leurs antiparticules (charges inversées) dans le grand jeu de mécano de la nature.
Etiquetage des particules
Les propriétés fondamentales permettant d'identifier chaque particule sont :
1) La masse: sorte de coefficient d'inertie de la particule qui caractérise la plus ou moins grande facilité avec laquelle une force non gravitationnelle peut infléchir son mouvement.
2) Les trois charges (faible, forte ou électromagnétique) qui évaluent la capacité d'une particule à participer aux interactions correspondantes: par exemple une particule de charge électrique et charge forte nulles comme le neutrino n'est pas sensible aux interactions électromagnétique et forte mais à l'interaction faible seulement.
3) Le spin qui distingue particules d'interaction (spin entier) et particules de matière (spin demi-entier). Le spin semble naïvement correspondre à un mouvement de toupie, rotation sur elles mêmes des particules car il s'exprime dans les mêmes unités physique que la grandeur correspondante pour un objet macroscopique. Mais cette image est inappropriée pour une particule élémentaire.
Propriétés secondaires des particules
D'autres propriétés telles que la durée de vie sont secondaires car se calculent à partir des propriétés fondamentales précédentes et des lois de la physique qui régissent les interactions entre particules. Car la durée au bout de laquelle une particule se désintégrera est déterminée par sa capacité à interagir avec d'autres particules, celles en lesquelles elle se transformera. Une particule sans interaction a donc une durée de vie infinie.
Propriétés qui caractérisent le mouvement des particules
Les grandeurs interdépendantes que sont la vitesse, l'énergie et l'impulsion sont d'autres propriétés qui ne permettent pas d'étiqueter une particule car elles peuvent en général prendre n'importe quelle valeur, si on excepte le cas de la vitesse des particules de masse nulle qui est toujours celle de la lumière. De même pour le moment cinétique auquel contribuent le spin et le mouvement de rotation d'une particule autour d'une autre. La direction du spin peut conférer à une particule une autre propriété nommée hélicité: si le spin est dirigé dans le sens de son mouvement, la particule est droitière (comme le tire-bouchon), sinon elle est gauchère.
Les particules sont Quantiques et Relativistes
Les lois de la physique qui décrivent la nature profonde des particules sont radicalement différentes de celles auxquelles obéit la matière à notre échelle et qui nous sont familières. Elles défient le sens commun. Nous pénétrons dans un monde extra-ordinaire au sens littéral du terme. Ces lois qui régissent le comportement des particules sont celles de la physique relativiste que doit maîtriser quiconque désire décrire des objets se déplaçant à de grandes vitesses (proches de celle de la lumière) et celles de la mécanique quantique nécessaires pour décrire des objets transportant d'aussi petites quantités d'énergie. Sur quelques exemples il est possible de donner une idée de ce qu'est le comportement relativiste ou le comportement quantique:
Si je mesure la vitesse d'un rayon lumineux, j'obtiens 300000km/sec. Curieusement si je me mets en mouvement dans la même direction que ce rayon de lumière avec une vitesse v, la vitesse pour moi de celui-ci ne se trouve pas diminuée de v, elle reste invariante et vaut toujours 300000km/sec. On dit que la vitesse de la lumière est invariante par changement de référentiel.
Si je mesure la taille d'un objet qui se déplace par rapport à moi, je trouve que celle-ci prise parallèlement à la direction de son mouvement est plus petite que celle du même objet au repos. Pour moi qui le regarde, l'objet en mouvement est contracté d'un facteur d'autant plus grand que sa vitesse se rapproche de celle de la lumière.
Le temps d'une montre qui se déplace par rapport à moi, s'écoule plus lentement pour moi que le temps que marque la même montre au repos. Pour l'observateur que je suis, le temps d'une montre en mouvement est dilaté par un facteur d'autant plus grand que sa vitesse se rapproche de celle de la lumière.
Les effets précédents ne deviennent sensibles que pour de très grandes vitesses i.e. approchant celle de la lumière.
Le comportement quantique:
Si l'on fait se superposer deux trains d'onde comme dans cette expérience d'interférence ou la lumière ayant éclairé deux fentes les faisceaux de lumière passant par chacune des fentes se superposent à la sortie, en certain points les ondulations arrivent en phase et s'additionnent de façon constructive alors qu'en d'autres points les ondes parviennent en opposition de phase (bosse et creux se compensent). La ou l'interférence est constructive on constate si on place un écran une zone très brillante, là ou elle est destructive au contraire on obtient une zone sombre. Ce phénomène d'interférence ne peut s'expliquer que par la nature ondulatoire donc non localisée de la lumière qui lui permet de passer par les deux fentes en même temps et d'interférer avec elle même.
Cependant si on diminue l'intensité du faisceau incident, au delà d'un certain seuil, on constate que l'énergie lumineuse n'est pas émise continûment mais par petits paquets ou quanta. Chaque quantum d'énergie est bien localisable car il peut donner un impact bien visible et localisé sur un écran. La lumière a donc un double aspect: corpusculaire et ondulatoire.
Comme on a du mal à imaginer comment un corpuscule de lumière pourrait bien passer par les deux fentes en même temps et interférer ensuite avec lui-même comme le fait la lumière, on répète l'expérience précédente en émettant les quanta un par un vers les deux fentes. Cette expérience peut être faite avec n'importe quel type de particule: aussi bien un photon (quantum de lumière) que par exemple un atome froid. On observe alors (schéma) que les atomes apparaissent sur l'écran plus fréquemment dans les zones des franges brillantes que dans les zones de franges sombres, ce qui oblige à convenir que chaque particule isolée s'est comportée comme une onde entre l' émetteur et l'écran. En effet, elle a du interférer avec elle même ce qui a déterminé sa plus ou moins grande probabilité d'être détectée en telle ou telle zone de l'écran, de telle façon qu'au bout d'un grand nombre d'impacts, réapparaît la figure d'interférence. Tout se passe donc comme si, et c'est ce que la mécanique quantique s'efforce de décrire en langage mathématique, une particule est une superposition d’ondes qui se détecte sous la forme d’un quantum localisé d’énergie: corpuscule. Le processus de mesure par lequel le paquet d'onde est réduit en un corpuscule bien localisé sur l'écran demeure encore énigmatique.
La non localité de la mécanique quantique (corrélations instantanées à distance) est une conséquence fascinante de cette dualité onde corpuscule. En effet, si l'on considère un électron dans une boite, tant que l'on ne regarde pas dans la boîte où il se trouve, on doit considérer que cet électron est un paquet d'ondes, de vibrations qui occupent tout le volume de notre boite. Même si l'on coupe en deux parties A et B notre boite, et que l'on éloigne les demi boites A et B, on doit toujours considérer que notre électron suivant la mécanique quantique est un paquet d'ondes toujours réparties à la fois dans A et B tant qu'aucune observation n'est faite dans les boites. Si un observateur regarde dans A (effectue une mesure) et y découvre l'électron, c'est, selon la mécanique quantique, cette mesure qui réduit le paquet d'onde, l'obligeant à se localiser en A et à simultanément disparaître de B instantanément quelle que soit la distance séparant A et B (influence non locale). Celui qui voudrait s'en tenir à une explication plus conventionnelle consistant à dire que l'électron se trouvait déjà localisé dans la boite où nous l'avons observé avant cette observation, serait facilement mis en difficulté. En effet, si au lien de regarder dans une des boites on fait l'expérience qui consiste à les rapprocher de nouveau, percer une fente dans chacune et disposer un écran devant les fentes, l'atome viendra se matérialiser sous forme d'un impact localisé sur cet écran. Si on refait un très grand nombre de fois cette expérience, on verra à nouveau les impacts se concentrer suivant la figure d'interférence. Il est bien sur impossible d'expliquer les interférences si dans chaque expérience l'atome, superposition d'ondes, n'était pas encore présent dans les deux demi-boites simultanément. Ceci est une expérience de pensée mais de véritables expériences ont été réalisées dont celle d'A. Aspect en 1982 qui ont confirmé cette non localité de la mécanique quantique.
Le comportement quantique-relativiste
Les particules sont à la fois quantiques et relativistes ce qui donne lieu à de nouveaux comportements surprenants. Par exemple, en accélérant une particule on lui communique de l'énergie dite cinétique. Faisant entrer deux particules accélérées en collision, il apparaît que leur énergie cinétique peut se matérialiser en de nouvelles particules de telle sorte que la masse totale et le nombre de particules dans l'état final peuvent être supérieures à ce qu'elles étaient dans l'état initial. L'énergie cinétique semble se transformer en masse (autre forme que peut prendre l'énergie en relativité, aussi appelée énergie au repos), notion extrêmement éloignée du sens commun car, comme le fait remarquer B. d'Espagnat, comment une propriété d'objet pourrait elle se transformer en un autre objet ?, comment la hauteur de la tour Eiffel pourrait elle se transformer en une autre tour Eiffel? C'est pourtant bien le genre de choses qui semblent se produire dans le monde des particules, où pour un système isolé, la quantité de matière ne se conserve pas mais plutôt l'énergie totale sous toutes ses formes.
Mais l'énergie n'est pas la seule grandeur qui se conserve. Parmi toutes les propriétés des particules précédemment évoquées, seules l'énergie, l'impulsion, les charges et le moment cinétique correspondent à des quantités conservées dans les interactions et qui revêtent de ce fait une importance majeure. Car en définitive, les particules ne sont que les multiples formes plus ou moins transitoires sous lesquelles ces grandeurs conservées se partagent et se propagent.
Toujours est il que des particules peuvent être créées en tout point et en tout lieu pourvu que d'autres particules y apportent les grandeurs conservées nécessaires. Curiosité remarquable cependant: il arrive que les grandeurs conservées apportées par les particules incidentes n'autorisent pas la création d'une certaine particule de masse connue. La mécanique quantique permet néanmoins la création de cette particule sous une forme transitoire extrêmement éphémère avec une masse différente de sa masse naturelle. Une telle particule, est dite virtuelle ou hors de la couche de masse par opposition à la particule réelle qui aurait exactement la masse naturelle répertoriée dans la table de classification des particules. Plus sa masse est différente de la masse réelle plus la particule doit se dépêcher de se désintégrer pour redonner des particules réelles.
Récapitulons: on peut rendre compte de toutes les manifestations du monde physique si on admet qu'il existe des constituants élémentaires que sont les particules, que celles-ci peuvent être de matière ou d'interaction et qu'elles existent en un petit nombre de types différents étiquetables par leur masse, charges et spin. De par leur nature quantique et relativiste, les particules peuvent être créées ou annihilées en tout point et en tout lieu où elles ne représentent que les multiples formes plus ou moins transitoires sous lesquelles les grandeurs conservées, énergie, impulsion, charges, moment cinétique se partagent et se propagent.