Energies négatives et inversion du temps en Théorie Quantique des Champs (TQC)

 

Le panorama précédent avait pour but de montrer à quel point les principes de symétrie sont importants en physique. Si l'on n'identifie pas correctement les bonnes symétries de la nature ou si on les comprend mal, la physique que l'on va en déduire peut être complètement fausse ou au mieux incomplète.

En TQC, le traitement de la symétrie d'inversion du temps est assez inhabituel. De par le choix mathématique exceptionnel d'un opérateur anti-unitaire effectué en TQC, différent du choix unitaire pour toutes les autres symétries de la physique, inverser le temps revient vraiment à remonter dans le temps ce qui soulève des paradoxes bien connus: vous pourriez remonter dans le passé pour empêcher vos grands parents de se rencontrer en contradiction avec votre propre existence !

La seule autre façon possible d'inverser le temps est d'utiliser un opérateur unitaire comme pour toutes les autres symétries de la physique. Dans ce cas, inverser le temps ce n'est plus inverser le cours des choses mais seulement inverser l'énergie des objets. Plus de paradoxe (illustration) !

C'est justement pour éviter d'avoir à gérer des objets d'énergie négative que les physiciens n'ont pas choisi d'inverser le temps de cette façon, car il est bien connu que ces objets posent de graves problèmes de stabilité: si on les laisse interagir avec les objets d'énergie positive suivant les règles du jeu de la TQC, la matière se désintègre spontanément et nous ne devrions pas être là pour en parler.

Qu'est ce qu'un objet d'énergie négative? Si l'on imagine un monde ou tout est d'énergie négative (particules de matière et d'interaction d'énergie négative), il est facile de se convaincre que dans celui-ci tout se passe comme dans le notre: les lois de la physique sont les mêmes et la matière est stable. Le signe de l'énergie de toute la matière qui nous entoure et dont nous sommes constitués n'est finalement qu'une question de convention. Nous dirons que cette matière est par convention d'énergie positive et nous nous demanderons s'il existe des objets d'énergie opposée donc négative. Si c'est le cas, ce sont seulement les interactions entre les deux mondes i.e. entre objets de signe d'énergie opposé qui manifesteront de la nouvelle physique puisque nous venons de voir que dans chaque monde pris isolément les lois de la physique sont les lois usuelles. Il nous faut comprendre cette nouvelle forme d'interaction entre les deux mondes pour caractériser le comportement des objets d'énergie négative du point de vue de notre monde d'énergies positives et répondre précisément à la question posée dans ce paragraphe. 

Pour le moment, il faut  admettre que les particules d'énergie négative ne peuvent pas interagir par les forces faibles, fortes et électromagnétiques avec nos particules d'énergie positive pour deux raisons:

- Les interactions faibles, fortes et électromagnétiques ont été testées en accélérateur: Jamais de particule d'énergie négative ne s'y est manifestée.

- Ces interactions, on le sait, respectent bien les règles du jeu de la TQC. Par conséquent, l'instabilité catastrophique que je mentionnais plus haut dans une interaction entre objets respectivement d'énergie positive et négative y serait  inévitable.

La gravité est à part: comme elle n'a pas été testée en accélérateur, on ne sait pas si elle satisfait les règles du jeu habituelles de la TQC. Il est donc permis d'imaginer d'autres règles du jeu telles qu'énergies positives et négatives constitueraient deux mondes coupés du point de vue de toutes les interactions sauf la gravité. Le monde des énergies négatives serait alors obscur de notre point de vue puisque la lumière d'énergie négative ne nous atteindrait pas. On ne pourrait le mettre en évidence que par ses effets gravitationnels.

Ces nouvelles règles du jeu, il n'a pas été besoin de les imaginer car elles ont découlé nécessairement du choix unitaire pour l'inversion du temps.  En effet, on peut montrer que sans faire appel à la gravitation, il est impossible d'introduire des champs d'énergie négative en TQC. La seule façon de le faire est que le champ gravitationnel se transforme lui aussi de façon non conventionnelle sous inversion du temps: alors un deuxième champ gravitationnel est généré par la symétrie, et le monde d'énergies opposées, monde des objets qui vivent dans ce deuxième champ gravitationnel  émerge, monde invisible de notre point de vue puisqu'il n'interagit que par la gravité avec le notre. 

L'analogie du jeu de dames est particulièrement éclairante. Le jeu de dame n'exploitant que les diagonales, on peut concevoir deux parties se jouant en simultané: l'une sur les cases noires, l'autre sur les cases blanches. Les deux parties n'interfèrent pas, de même que matière d'énergie positive et matière d'énergie négative n'interagissent pas bien qu'évoluant dans le même espace car elles ne se rencontrent pas, vivant sur des gravités (cases) différentes. Mais l'analogie a ses limites puisque l'interaction gravitationnelle "passe" entre énergies positives et négatives. Nous verrons qu'elle est répulsive: autrement dit, la pomme de Newton d'énergie négative est repoussée par la terre d'énergie positive: elle "tombe" vers le haut et s'échappe dans l'espace intersidéral.

Ce modèle baptisé "le coté obscur de la gravité" nous oblige à revoir radicalement un certain nombre de règles (celles de la TQC mais aussi de la Relativité Générale RG) ce qui permet d'éviter complètement l'instabilité catastrophique et nous constaterons avec quelle facilité déconcertante nombre de problèmes théoriques et d'observation réputés très difficiles de la cosmologie et de la RG tombent un à un, se résolvent d'eux même dans ce nouveau contexte.

Le problème de l'énergie du vide quantique

Des particules quantiques virtuelles éphémères sont en permanence créées et annihilées dans le vide. A cause d'elles, le vide acquiert même une énergie infinie, ou au mieux, si de nouveaux processus interviennent pour régulariser la situation, une énergie colossale. Cette énergie aurait  tôt fait de courber excessivement l'univers sous les effets de la gravité  et pourtant ce n'est pas ce qui est observé. Ce désaccord entre la théorie et l'expérience est l'un des plus graves que la physique théorique contemporaine ait à résoudre. En effet, les fluctuations du vide ont bien été mises en évidence expérimentalement et leur énergie doit bien se trouver là.  L'introduction d'un univers conjugué d'énergie négative apporte une solution très simple à ce problème: les effets gravitationnels des énergies du vide des deux univers se compensent exactement bien que que les fluctuations quantiques du vide existent bien dans chaque univers.

 

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