Evoluer ou mourir
Les voies du changement
Trouver les moyens d'assurer la prospérité matérielle, la santé, l'éducation de tous, tout en préservant l'environnement, tel est l'idéal qui anime, espérons le, la majorité d'entre nous. Plusieurs voies sont envisageables pour le changement salutaire dans cette perspective :
La voie politique et sociale
Elle semble plus que jamais compromise pour plusieurs raisons:
Les sociétés sont des systèmes aux interactions multiples et extrêmement complexes. De façon, générale on peut douter que l'homme fasse et contrôle l'histoire. La mondialisation aggrave la situation: elle accroît considérablement cette complexité et pose des problèmes radicalement nouveaux et urgents à propos desquels nous manquons cruellement de recul historique.
Cette urgence et cette gravité semblent nécessiter une réorientation radicale et globale, un changement de système, une véritable révolution. Or, les changements de régime brutaux, même motivés par les plus nobles intentions, en bouleversant des équilibres essentiels ont tendance à déstabiliser les sociétés aboutissant souvent à un chaos désastreux, comme l'histoire récente l'a mis en évidence à maintes reprises.
La voie politique et sociale
est pour le moment essentiellement de la responsabilité des états alors
qu'elle devrait être concertée et appliquée à l'échelle mondiale pour
ne pas être condamnée à l'échec. A cette échelle au contraire, le
capitalisme international conduit à l'émergence de nouveaux pouvoirs
financiers et industriels considérables bien que non démocratiquement
élus (lobbies militaro-industriels, multinationales, FMI,...) dont la
tendance inexorable semble être de prendre le dessus sur les états ou de
les contrôler au service de leurs seuls intérêts privés donc peu compatibles avec ceux du plus grand nombre.
Comme nous le constatons déjà, suite à ce transfert
de la souveraineté, les
politiques aussi avisés, compétents et de bonne volonté puissent ils
être, verront inexorablement se réduire de plus en plus leur marge de manœuvre
et perdront les moyens de mettre en oeuvre leurs programmes
politiques et leurs projets de société.
La voie de la transformation de l'être humain dans le sens d'un comportement plus altruiste
S'il est vrai que la tendance globale ne représente que le reflet moyenné sur la multitude du comportement de chacun, la transformation de l'être humain dans le sens d'un comportement plus altruiste serait salutaire. Une telle transformation pourrait suivre plusieurs voies:
Transformation génétique: peu probable
Même si la nature a plus d'un tour dans son sac, il est difficile d'imaginer à court terme et compte tenu de l'urgence une transformation génétique d'une humanité dont les évolutions biologique majeures se sont produites sur des échelles de temps bien supérieures au millier d'années dans le passé.
Transformation culturelle: peu probable
Une évolution culturelle suppose un système éducatif protégé, égalitaire et performant alors même que les protections sociales et le service public continueraient de se dégrader sous les effets de la mondialisation.
Transformation spirituelle provoquée par une révolution scientifique
Un
choc dans la
conscience collective suite à un événement ou une découverte
métaphysique
majeure, en modifiant radicalement le rapport au monde de l'être
humain,
produirait un bouleversement majeur des choix de vie et de la
sensibilité du
plus grand nombre. Pourquoi pas par exemple (que l'Esperance soit à la mesure du Mystère!) la découverte par l'homme de sa
propre
immortalité et des bases physiques rendant possible le contact avec un
"au
delà" ?
La voie du progrès scientifique et technologique.
Ce sont les grandes découvertes du passé qui ont, via les progrès technologiques qui en ont découlé, arraché le monde occidental à la misère. Il faut prendre conscience qu'avec les révolutions scientifiques du XIX ème siècle et début du XX ème siècle, on a assisté à un véritable miracle sans précédent dans l'histoire de l'humanité puisque presque tout ce qui aujourd'hui compose notre environnement quotidien était tout simplement inconcevable il y a 150 ans à peine. Dans un pays comme la France, le plus défavorisé jouit aujourd'hui de conditions matérielles bien supérieures à ce qu'était le niveau de vie moyen de la population il y a 150 ans. Le miracle de la science et de la technologie n'est donc pas une chimère contrairement à cet autre miracle qui n'est pas prêt de voir le jour, sur lequel toutes les attentions se focalisent aujourd'hui, qui est celui de la solution politique et sociale à technologie constante, à l'encontre de toutes les évidences historiques. Forts de cette constatation, il convient de miser massivement et d'espérer dans la seule révolution qui ne soit pas un vain mot: une révolution scientifique qui dans un futur aussi proche que possible rendra le monde de demain aussi inconcevable pour nous aujourd'hui que le notre l'aurait été pour nos arrière grand-parents et il est sans doute d'intérêt collectif de favoriser et d'accélérer plus que jamais ce processus évolutif, peut être notre seule voie de salut compte tenu de la situation.
S'il ne coûtait presque rien d'exporter la prospérité matérielle qui est celle des pays occidentaux à tous les autres tout en préservant l'environnement, je crois que cela se ferait rapidement et quasi automatiquement. Il revient donc aux scientifiques de découvrir rapidement les nouvelles lois de la physique et de la biologie et avec elles les nouvelles technologies diminuant à l'extrême les coûts de production. Il est aussi capital d'accélérer le développement de la robotisation, des réseaux d'automates et de capteurs et de l'intelligence artificielle grâce auxquels la production de l'essentiel des biens de consommation courante ne serait plus nécessairement l'apanage des entreprises à but lucratif mais au contraire cette production serait mise à la portée des foyers eux mêmes ou de communes et associations privilégiant les échanges en circuits courts. Seule l'ultra high tech est en mesure d'assurer l'efficience et l'avènement rapide d'un tel type de développement coopératif local en marge du système capitaliste et financier.
Conclusion
Une
nouvelle révolution
scientifique serait une voie de salut privilégiée à court terme. D'une
part, en
favorisant une nouvelle vision de l'univers et de la place de l'homme
dans
celui-ci on peut espérer qu'elle provoquerait une conversion
spirituelle et
morale du plus grand nombre produisant une transformation des
comportements en
profondeur dans un sens plus altruiste. D'autre part, et cela irait de
pair, les
retombées technologiques probablement inouïes du nouveau paradigme
mettraient
le développement à portée de tous et résoudraient définitivement le
problème matériel. Le progrès politique et social suivrait alors
naturellement tandis qu'une compréhension plus profonde des lois de
l'univers
nous aiderait à anticiper et trouver la parade à toutes sortes de
menaces
naturelles. Alternativement, la révolution en cours de l'internet des
objets alliée à l'intelligence artificielle et la robotique, en
démocratisant les modes de production les plus efficients suffira peut
être à couper court à la concentration des capitaux, des pouvoirs et à
l'esclavage globalisé et destructeur d'environnement qui constituent
notre mode de développement actuel.
Les révolutions scientifiques
Comme nous le rappelle A. Koestler, l'évolution historique des idées, y compris celles des
sciences exactes, se présente comme une suite
ininterrompue d'erreurs, de bifurcations manquées et
l'aveuglement collectif devant
des vérités qui, une fois reconnues, deviennent
désespérément évidentes, est une constante
de l'histoire
des sciences. A l'origine de cet aveuglement est l'attachement aux
idées. A partir d'elles s'élabore une vision globale et
unifiée de l'univers et de la place de l'homme dans celui-ci.
L'être humain y est d'autant plus attaché qu'elles sont
solidaires de choix de vie, du sens qu'il donne à son existence
et d'une sensibilité collective singulière, son
identité culturelle. En science en particulier, l'attachement
aux idées tient aussi au pouvoir de fascination extraordinaire
qu'exercent les théories qui marchent. Lorsque tel dans un grand
puzzle, les multiples éléments ayant été
patiemment assemblés, le tableau d'une nouvelle synthèse
théorique émerge, le physicien est saisi par sa puissance
et son harmonie. Une multitude de faits d'expérience et
d'observation se trouvent reliés et unifiés dans un
langage commun et l'impression est irrésistible que
l'œuvre achevée est immuable, éternelle et vraie
(par exemple lors de la synthèse Newtonienne). Même si
quelques rares anomalies demeurent toujours irréductibles, des
pièces qui paraissent ne pas pouvoir s'intégrer dans le
paysage, personne ne doute qu'au prix de corrections minimes ne
remettant pas en cause la signification globale de la scène tout
rentrera bientôt dans l'ordre. D’ailleurs quelques
contorsions théoriques, telles des patchs parviennent à
corriger avec plus ou moins de bonheur certains défauts de la
structure.
Cruelle illusion cependant car l'impensable finit par se produire: l'édifice
tout entier se lézarde, bascule et s'effondre avec fracas. Les piliers qui
semblaient les plus inébranlables, les concepts fondateurs qui faisaient tout
le sens et la puissance de prédiction, les idées auxquelles on s'était attaché
et que personne n'aurait songé à remettre en question sont définitivement sapés
pour faire la place à de nouvelles fondations complètement inédites, imprévues.
La refonte est radicale et une nouvelle synthèse se fait jour (par exemple, la
théorie de la relativité, la mécanique quantique). Le nouveau tableau est
bientôt achevé avec les éléments de l'ancien puzzle mais sa signification
est modifiée en profondeur bien qu'il intègre de façon très subtile et comme
en filigrane l'image que donnait à voir l'ancien. Pire encore, on réalise
bientôt que le verso du puzzle, ce que personne n'avait soupçonné
jusqu'alors, représente aussi une scène qui fait sens. Une fenêtre s'ouvre
sur un nouvel univers de perspectives. Ainsi va la science.
Il ne faudrait surtout pas considérer l'histoire
des sciences comme une succession de tableaux-synthèses parfaitement
étrangers les uns aux autres:
si une révolution scientifique extraordinaire se produit au
terme d'une période de progrès relativement continu,
c'est certes que la synthèse qui la précèdait
intégrait quelques conceptions fausses qui en faisaient une construction parfois conceptuellement
radicalement antinomique avec la nouvelle et plus juste
synthèse, cependant l'essentiel des idées des
synthèses précédentes représentent des
progrès déterminants et constituent des acquis
définitifs qui seront intégrés sans modification
non seulement dans la nouvelle compréhension mais dans toutes
celles à venir: par exemple, les lois de Newton sont fausses
mais l'idée d'interaction entre les masses est un acquis
définitif qui sera intégré à la
Relativité Générale et d'une façon ou d'une
autre à toutes les autres théories de la gravitation
à venir. Quoi qu'il en soit, les révolutions
scientifiques nous incitent à la plus grande prudence: la
prétention à juger de ce qui est définitivement
possible dans l'ordre des
choses sur la base d'une compréhension périodiquement
remise en question dans
ses fondements même, est sans doute vaine. Il en découle
également que comme
par le passé, un nouveau progrès scientifique
nécessitera sans aucun doute
une rupture majeure avec nos modes de pensée actuels.
Vaincre les résistances
Si tant de découvertes importantes ont été durablement ignorées, rejetées voire tournées en dérision avant de s'imposer c'est donc en partie parce-qu'elles agressaient les préconceptions de la majorité du moment, des attachements métaphysiques, idéologiques ou religieux. Les révolutions conceptuelles majeures, sont toujours des périodes douloureuses pour la majorité des savants et le débat est difficile étant à forts enjeux existentiels et très chargé émotionnellement, les fondements constituant autant de véritables points névralgiques pour les théories. Dans le débat politique et social, les intérêts et les passions sont encore plus exacerbés : pouvoir, reconnaissance, argent, et le contexte est encore plus défavorable à l'innovation.
Il importe donc qu'il existe des instances avec des règles de fonctionnement qui permettent de collecter aussi largement que possible toutes les idées potentiellement novatrices et de les faire évaluer par des commissions d'experts afin de repérer et d'aider de nouvelles solutions viables et fructueuses à s'imposer plus rapidement pour le bien commun, voire le salut de tous. Tout chercheur, inventeur, intellectuel pourrait demander un audit de ses idées suivant ces règles, moyennant une participation modique juste pour limiter les abus et on ne pourrait la lui refuser. Tout citoyen désirant que la vérité soit faite sur n'importe quel sujet polémique particulier (il ne doit pas y avoir de sujet tabou: ne pas se donner les moyens de discuter en profondeur n'importe quel sujet, c'est faire le lit de la pensée unique voire de la propagande) pourrait exiger un débat, suivant ces règles, par des professionnels qui tels des avocats défendraient les thèses adverses. La profession aurait une double vocation: pédagogique en signalant leurs erreurs à ceux qui soumettraient leurs travaux et de recherche grâce aux synthèses portant sur les succès et les limites des idées soumises afin éventuellement d'identifier des voies peu explorées ou négligées, des hypothèses implicites dans les cadres établis. Ce faisant, elle obligerait l'interaction difficile bien que potentiellement très féconde entre deux types de profils psychologiques antagonistes: les ultra-créatifs qui n'ont de cesse que de mettre à mal le paradigme existant mais font souvent preuve de peu de rigueur et les gardiens du savoir ultra-rigoureux qui n'ont de cesse que de consolider et raffiner le paradigme. Au delà, elle accélèrerait la diffusion et le gain de visibilité des idées émergentes ainsi que la mise à disposition de moyens pour poursuivre l'exploration des nouvelles pistes avant qu'elles ne soient repérées, récupérées et exploitées secrètement tout en étant efficacement discréditées dans les médias par des lobbies de toutes sortes dont la seule priorité est évidemment la main mise et l'exclusivité sur toutes technologies qui leur donneraient une longueur d'avance dans la course à la suprématie militaire ou économique.
Les règles du débat fructueux
On
peut faire un parallèle avec le système judiciaire
qui a
nécessité un effort de longue haleine pour aboutir
à des structures, règles
de fonctionnement et textes tels que les principes fondamentaux du
droit. Mais la mission serait différente puisqu'il s'agirait d'un
système optimisé pour la confrontation transparente et impartialement
arbitrée des arguments, capable de résister à toutes les formes de
pressions qu'exercent les lobbies (qu'ils soient au service de grandes
entreprises et organismes financiers, de communautés ideologiques ou de
gouvernements) et de vaincre également toutes les formes de résistance
individuelle inévitables
auxquelles nous avons fait
allusion qui se traduisent au mieux par la fuite perpétuelle
et le déni de
ceux qui ne veulent pas considérer les idées qui leur
déplaisent. La
confrontation devrait prendre la forme d'un débat contradictoire
dans un espace
accessible à tous comme internet avec des règles conçues pour favoriser
l'émergence de vérités, aussi provisoires soient
elles. Ce débat serait un véritable outil de recherche de
solutions au service de tous, quels
que soient les domaines concernés: social, politique,
scientifique, etc. Voici, entre autres, quelques règles sans doute
essentielles au
débat fructueux:
Le débat doit avoir lieu dans un espace accessible au plus grand nombre (car les enjeux du débat intéressent tout le monde): Internet.
Des arbitres font respecter les règles et toutes leurs interventions et prises de décision doivent être publiques (le regard extérieur constitue une pression pour un arbitrage impartial).
Les arbitres ne peuvent intervenir autrement dans le débat (pour ne pas être juge et parti).
Le débat ne doit opposer que deux protagonistes, éventuellement deux porte-paroles de communautés plus étendues chargées de l'instruction et de la collecte d'informations (pour l'équitabilité).
Les identités des débatteurs et arbitres doivent être connues de tous (pour des raisons évidentes, interdiction des pseudonymes).
Les débatteurs doivent s'exprimer exclusivement par écrit (pour éviter que l'éloquence, la vivacité d'esprit, le brio, le look prennent le dessus sur le fond et pour que tous puissent prendre le temps d'assimiler l'argumentaire).
Toutes les interventions sont consignées (pour éviter les débats circulaires, pour plus de responsabilité dans chaque prise de position).
L'espace d'expression (ordre de parole, nombre de mots) doit être équitablement partagé.
Les arbitres veillent à ce que chaque intervention ne dévie pas du sujet (pour éviter la fuite en avant et l'évitement d'une question posée).
Des points à débattre doivent être isolés au fur et à mesure et traités indépendamment (pour éviter l'affrontement complètement stérile de deux systèmes de pensée complexes, voire deux sensibilités).
Chaque point débattu doit l'être jusqu'au bout et une synthèse intermédiaire être effectuée à l'issue de chacun (pour tirer les enseignements du débat au fur et à mesure et permettre de poursuivre le débat ultérieurement au point où il avait été momentanément interrompu faute d'informations suffisantes par exemple).
Les synthèses intermédiaires et la conclusion doivent faire ressortir les succès et les limites des points précis débattus. Il ne s'agit pas d'émettre un verdict sur une oeuvre ou une personne.
Les digressions, effets de style, provocations, dérisions, émoticons, attaques personnelles, ne doivent pas être tolérés.
A ce jour, nous sommes très loin de disposer d'un système performant d'évaluation de la production scientifique. En effet, l'évaluation des travaux scientifiques repose sur le travail des rapporteurs des revues. Ceux-ci ne sont pas payés et sont des chercheurs actifs qui ne prendront pas la peine de considérer des travaux originaux qui demanderaient un effort trop soutenu de leur part au détriment de leur propre production scientifique. Ils peuvent refuser d'autorité les articles qui leurs sont soumis sans même prendre la peine d'engager un débat ou un dialogue. Ils sont le plus souvent anonymes. Les auteurs des articles soumis sont au contraire connus du rapporteur qui peut évaluer à la tête du client et le système offre même la tentation à un rapporteur malhonnête de rejeter les soumissions d'auteurs peu connus pour ensuite en exploiter et publier les idées à son propre compte. Les travaux les plus innovants sont le plus souvent rejetés par des rapporteurs qui ne lisent pas au delà des titres et résumés si leur contenu parait dévier trop au large du courant principal.
Les critères par lesquels on prétend habituellement évaluer les travaux scientifiques ne sont pas recevables du fait de l'inexistence d'un véritable débat contradictoire fructueux suivant les règles énumérées précédemment. En particulier, le nombre de citations, le nombre de publications dans des revues ayant ou non des rapporteurs, l'avis de la communauté scientifique dans son ensemble, l'avis d'un quelconque chercheur faisant autorité ne sont pas pertinents dans un contexte polémique pour la bonne et simple raison que les phénomènes de mode, les tendances grégaires et l'aveuglement collectif existent aussi dans la communauté scientifique et que d'autre part, lorsque les enjeux sont importants (pouvoir, célébrité, argent), le courant de pensée dominant et la communauté qui s'en est fait le porte parole sauront se donner les moyens de contrôler ces critères et de les récupérer aux fins de garantir leur suprématie et préserver leurs privilèges.